L'abbaye de Fontevraud, revisité par Jouin Manku

UNE CITÉ DANS L'ESPACE-TEMPS

Nous nous sommes glissés dans le prieuré Saint-Lazare sans effraction, cherchant juste à nous imprégner de son passé et de sa singularité. De la simplicité monastique à l’austérité carcérale, nous avons tenté d’en saisir l’essence. De retrouver l’intelligence et la philosophie de ceux qui l’ont construit et habité. Il était important, ensuite, de mettre notre inspiration au diapason. D’insuffler au prieuré notre vision contemporaine mais dans le respect de son histoire afin d’en préserver l’âme. Nous ne voulions pas que le visiteur oublie où il se trouve. Nous souhaitions au contraire lui offrir une expérience étroitement liée aux lieux, lui permettre de s’approprier des fragments du passé dans des conditions de confort adaptées.

Restait, pour y parvenir, à relever les contraintes imposées par la protection du bâtiment au titre des monuments historiques ; l’impossibilité notamment de toucher aux plafonds et aux murs. Mieux, restait à transformer ces contraintes en opportunités. La création de meubles malins et de microarchitectures innovantes, l’utilisation de matériaux authentiques et de qualité nous ont permis de répondre aux problématiques thermiques et acoustiques du réfectoire et de la chapelle, au manque de lumière naturelle dans la salle capitulaire.

Guidés par la vérité du prieuré, qui bannit tout effet de style, nous sommes restés fidèles à notre écriture. Des formes simples et élégantes dictées par le besoin et l’usage. Des ambiances épurées, fluides et essentielles qui résonnent ici à l’unisson des hauteurs sous plafond et des murs millénaires.

Ce que nous proposons à Fontevraud n’est pas une expérience d’hôtel et de restaurant classique mais quelque chose d’unique. Un voyage entre tradition et modernité qui prolonge et réinvente l’histoire de Saint-Lazare en conjuguant émotion, plaisir des sens et poésie.

Patrick Jouin et Sanjit Manku

Le réfectoire, métamorphosé en une salle de banquet, capture l'essence communautaire du prieuré initial. Réaménagé pour accueillir divers événements, il a été conçu comme un espace adaptable.

Le restaurant

Le cloître, qui forme le cœur en pierre de Saint-Lazare, constitue l'élément central autour duquel le prieuré s'articule. Afin de revitaliser cet espace, Patrick Jouin et Sanjit Manku ont opté pour une approche transparente. En utilisant des parois vitrées indépendantes, une section du cloître restauré retrouve sa fonction initiale de promenade, tandis qu'une autre partie est dédiée au restaurant.

l'ibar

Au sein du nouvel ensemble hôtelier, la chapelle joue le rôle de point de rencontre ouvert à tous les visiteurs de l'Abbaye. Après avoir envisagé de la transformer en spa, l'idée d'en faire une médiathèque numérique avec un bar a été finalement adoptée. Cependant, il était important de préserver les sensibilités. Cela a été réalisé en introduisant un long monolithe en chêne qui évoque un autel. Cet espace n'est plus tout à fait une chapelle, ni tout à fait un bar, mais plutôt une fusion improbable des deux. Profiter d'une boisson dans ce lieu culturel de rencontres et d'échanges permet de prolonger la visite de l'Abbaye, d'apprendre et de se divertir grâce aux tables tactiles et aux tablettes numériques intégrées au mobilier.
Pour structurer l'espace et créer une atmosphère douce, six paravents sur mesure conçus par Jouin Manku ont été installés. Chaque paravent est unique et offre des sièges tout en ajoutant une note feutrée à l'ensemble.

Sous les arcs de la chapelle, six paravents aux formes simples et élégantes, tous distincts les uns des autres, offrent aux visiteurs la possibilité de s'approprier l'espace en douceur. Comme autant de repères à échelle humaine, ils équilibrent la grandeur de la chapelle et apaisent ses proportions vertigineuses. Ces micro-architectures en chêne naturel, habillées de tissu Innofa, proposent une perspective alternative de l'espace. Elles contribuent à réchauffer l'atmosphère et à absorber le son, tout en diffusant une lumière indirecte par l'arrière à travers des voiles de lin Elitis.

L'Hôtel

Cet hôtel 4 étoiles propose 54 chambres réparties dans différentes parties du prieuré : aile sud, aile ouest et Pavillon du Liban. Chaque chambre a sa propre configuration architecturale, certaines en duplex, d'autres avec des mansardes ou de hauts plafonds. Dans chacune d’elles, une attention particulière a été portée à l’acoustique et à la lumière pour en faire des refuges feutrés et intimistes propices au recueillement.

Volontairement réduite, la palette de couleur et de matériaux (bois, tissus, métal) renforce une authenticité brute où s’insinue l’esthétique dépouillée des cellules séculaires. Derrière l’austérité apparente, pointe toutefois un luxe sans ostentation. Vérité des matières, raffinement des détails garantis par le savoir-faire de l’entreprise Richet, finesse et humour éveillent les sens comme autant de promesses de bien-être. Le mobilier des chambres a été intégralement conçu sur mesure. Le mobilier distille subtilement les codes de la cellule monastique et nourrit l’esprit des lieux. Support à l’imaginaire, il en raconte l’histoire, mais à voix basse.

La baladeuse en métal apporte sa conception nomade dans les chambres de l'hôtel. Accrochée à une tringle en acier, elle est suffisamment légère, équilibrée et sécurisée pour être prise et déplacée facilement. Une attention spéciale a été portée aux détails ergonomiques, comme en témoigne son manche en bois travaillé qui offre une meilleure préhension.

PROCESSUS

Fondée en 1101 par Robert d’Arbrisel, prédicateur charismatique et iconoclaste, Fontevraud fut, sept siècles durant, le théâtre d’une vie monastique inscrite dans l’histoire. La présence, sous la nef de l’église abbatiale, des gisants d’Aliénor d’Aquitaine et de Richard Cœur de Lion en atteste royalement. Au début du XIXe siècle, la reconversion de l’Abbaye en établissement de détention lui vaut d’échapper au sort que connu Cluny, transformée à la même époque en carrière de pierre et ainsi, en grande partie détruite. Cette sombre mais salutaire période pénitentiaire s’achève en 1963, date à laquelle les chantiers de restauration s’enchaînent pour conférer à Fontevraud sa physionomie contemporaine. Distribué sur 13 hectares, l’ensemble s’organise autour du cloître Sainte-Marie, havre de paix posé au centre du monastère du Grand-Moûtier pour desservir abbatiale, salle capitulaire, chapelle, réfectoire, cuisines et dortoirs.

La réouverture d'un hôtel et d'un restaurant au prieuré Saint-Lazare s'inscrit dans le projet plus large de la Cité contemporaine de Fontevraud. Portée par une longue maturation, cette initiative incarne une vision globale allant de la dynamique culturelle au développement durable, de l'innovation numérique à l'accueil chaleureux. Comme le souligne David Martin, directeur général de l'Abbaye, cet hôtel 4 étoiles et ce restaurant haut de gamme vont au-delà de l'expansion du parc hôtelier régional. Cette ambition riche embrasse l'essence du lieu, oscillant entre quête de sens et création émotionnelle. Un rêve à la hauteur de l'envoûtante Abbaye millénaire.

Ce rêve d'hospitalité prolonge l'héritage du prieuré, lieu de vie pour les moniales auprès des lépreux, puis maison de convalescence. Transformé en hôtel-restaurant dans les années 1980, le prieuré Saint-Lazare, situé au sud-est de l'Abbaye, raconte une histoire séculaire de transformation.

Le projet de rénovation du prieuré Saint-Lazare, approuvé par la Commission nationale des Monuments historiques, a débuté en 2012 sous la direction de l'architecte en chef des Monuments historiques, Gabor Mester de Parajd, et Jouin Manku. Pendant plus de deux ans, les intervenants ont ingénieusement transformé le bâtiment classé en hôtel-restaurant sans altérer son enveloppe d'origine. Des ajouts significatifs ont été réalisés, comme la reconstruction de contreforts et d'une tourelle, ainsi que la restitution des éléments manquants, tels que les cellules du dortoir de la Bourdonnais avec leur tracé de 1504. Des ajustements ont été faits pour assurer la fluidité de la circulation et la desserte de la plupart des chambres, malgré les défis d'un tel lieu historique.

En savoir plus

Informations

Architecture intérieure et design	Jouin Manku Patrick Jouin Sanjit Manku Elodie Martin Bénédicte Bonnefoi Henry Gagnaire Antoine Lesur Bruno Pimpanini Charles Pons
Architecte d’exécution	SLA Architecture

Maître d'ouvrage	Région Pays de la Loire et Abbaye Royale de Fontevraud David Martin Daniel Cognata Emmanuel Jarry Daniel Quintric Malik Mouhoud
Designer lumière	L’Observatoire International

Mobilier sur mesure	Patrick Jouin iD

Année	2014